Surveillantes pénitentiaires, infirmières, psychologues, personnels soignants, ces femmes travaillent toutes au même endroit, dans cette arène que beaucoup appréhendent, car souvent, méconnue, la prison fait peur et intrigue. Celle-ci est souvent perçue comme un univers d’hommes. Pourtant, les femmes sont bien présentes, y compris parmi les personnels pénitentiaires.
Comment intégrer le milieu
pénitentiaire ?
Pour intégrer le milieu pénitentiaire, ces femmes le disent : il faut être passionné, comprendre ce milieu, l’aimer. Leurs missions en détention restent les mêmes : protéger, encadrer et réinsérer des personnes qui leur sont confiées par les juridictions. Pour travailler en prison, les concours de recrutement ne sont autorisés que pour les personnes ayant un bac +2. Concernant les psychologues pénitentiaires, la formation ne diffère pas du parcours de psychologue en milieu ouvert néanmoins, il est indispensable d’avoir une formation supplémentaire dans un domaine qui touche le milieu carcéral et les détenus. Pour être infirmière en prison, il faut passer le diplôme de l’IFSI (Ecole et Institut de formation en Santé) et il est conseillé de passer une formation à la relation d’aide et d’avoir une expérience professionnelle dans diverses unités de soins avant de commencer dans une unité carcérale.
Le rôle de ces femmes est primordial pour le bon développement des détenus en prison. Les psychologues encouragent les détenus à construire leur propre parcours en détention. Elles effectuent des bilans psychologiques tout au long de leur incarcération et travaillent à la prise en charge individuelle des détenus. Au-delà de la relation avec les personnes incarcérées, les psychologues pénitentiaires sont partie prenante de la vie du centre de détention. Les infirmières quant à elles, accompagnent les patients, se rendent disponibles et apprennent à répondre aux demandes des patients de tout âge qui viennent autant pour des soins précis que pour changer d’air et se confier. Comme le souligne Estelle Simon, infirmière au Centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville, les détenus se rendent dans son cabinet, comme s’ils venaient voir « leur médecin traitant ». Depuis la loi du 18 janvier 1994,
« il faut assurer à la population carcérale une qualité de soins équivalente à celle dont dispose l’ensemble de la population ».


Travailler en prison, c’est aussi être davantage confronté à la misère et à la dépression.
Sylvain Lhuissier, auteur de l’ouvrage Décarcérer, le souligne, « en prison, il y a dix fois plus de suicide qu’à l’extérieur ». En France, une personne détenue se suicide tous les deux ou trois jours. Le risque de suicide est ainsi beaucoup plus élevé entre les murs qu'en dehors. Selon l’Observatoire International des Prisons, en 2022, 125 personnes incarcérées sont décédées par suicide. La France demeure l’un des pays qui représentent le niveau de suicide en prison, le plus élevé en Europe. Ainsi, travailler en prison, c’est être confronté à la mort très régulièrement.
Marie-Annick Horel, qui a travaillé pendant 37 ans au Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, l’affirme, voir des femmes détenues se donner la mort : « je l’ai vu de mes propres yeux.
J’y pense régulièrement, je pense à cette détenue que j’ai décrochée et qui est morte, qui s’était suicidée parce qu’elle était au bout du bout ».
Une profession qui peine à se féminiser
Les personnels pénitentiaires sont en première ligne avec les détenus, elles doivent à la fois gérer les détenus, mais aussi gérer leurs propres émotions face à un univers où la précarité et le désespoir se font ressentir. La profession est-elle ouverte aux femmes et sont-elles les bienvenues ?
L’article « La féminisation du personnel de surveillance pénitentiaire : la remise en cause d’une institution viriliste ? » de Coline Ardi, Anaïs Henneguelle, Anne Jennequin et Corinne Rostaing, publiée en 2024, soulignent que la féminisation du métier de surveillante pénitentiaire reste limitée. Aux origines de la prison pénale, seuls les hommes étaient chargés de la surveillance, aussi bien des hommes que des femmes détenus.
« Au milieu du XIXe siècle, dans un souci de moralisation des femmes incarcérées et après la révélation de cas de grossesses en détention, l’accès des gardiens masculins aux quartiers et établissements pour femmes a été interdit. Pour les remplacer, des surveillantes ont fait leur entrée en prison : d’abord des religieuses, puis avec la laïcisation, des dames laïques », rappellent les autrices.
Ce n’est pourtant qu’en 1990 que les surveillantes pénitentiaires ont été autorisées à exercer dans les établissements pour hommes. En revanche, la réciproque ne s’est pas imposée : les surveillants masculins restent interdits d’accès aux espaces où sont incarcérées les femmes. La dernière version de l’article R. 211-1 du code pénitentiaire, mise à jour en décembre 2023, précise que « les femmes détenues ne sont surveillées que par des personnels féminins ». Les hommes ne peuvent exercer que des fonctions d’encadrement au sein des quartiers pour femmes ou, plus récemment, assurer la surveillance d’activités mixtes regroupant des détenus quel que soit leur genre.
La féminisation du personnel pénitentiaire est contrastée selon les fonctions. Selon le rapport d’activité du Haut fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, datant de 2021 ; le corps d’encadrement et d’application du personnel pénitentiaire, dont font partie les surveillants, est le moins féminisé avec 22 % de femmes. À l’inverse, les femmes sont majoritaires dans les corps de direction, d’insertion et de probation, représentant entre 60 à 75 % des effectifs, des proportions similaires à celles observées dans la fonction publique en général et dans les métiers de la justice et de la sécurité.

Le concours de surveillant pénitentiaire repose sur des listes distinctes pour les femmes et les hommes, maintenant ainsi une séparation genrée dans le recrutement, ce qui peut paraitre surprenant. Le concours applique donc des quotas de recrutement : 85 % d’hommes et 15 % de femmes. Cependant, si le nombre d’hommes admis au concours est insuffisant pour pourvoir tous les postes disponibles, alors des femmes peuvent être recrutées à leur place, ce qui explique pourquoi les promotions comportent en moyenne 30 % de femmes. Les femmes accèdent cependant très difficilement à certains postes comme celui de monitrice de sport et dans les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) : seules 3 femmes ont été recrutées sur 228 admis entre 2015 et 2023. « Les femmes sont encore écartées de certains postes jugés les plus "dangereux" ou considérés
comme nécessitant une importante force physique ».
On l’oublie souvent mais dans cette arène, une micro-société continue de tourner. Des soins, une écoute, une protection, un encadrement : les détenus en ont aussi besoin. Ces femmes qui travaillent en prison sont souvent discréditées mais leur présence est essentielle au bon fonctionnement des établissements pénitentiaires.