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ENFERMER PLUS POUR RÉCIDIVER PLUS ?

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En France, une personne détenue sur trois récidive dans l’année suivant sa sortie et deux sur trois dans les cinq ans.

La prison a-t-elle pour vocation de réinsérer les individus dans la société ou simplement de les en éloigner ? Quels sont ses véritables objectifs ?

Dans son livre Décarcérer, Sylvain Lhuissier affirme « que l'on n’a pas inventé de peine qui génère plus de récidive que la prison ». Il ajoute également que « la fonction la plus consensuelle de la prison est bien sûr la protection : on attend de l’institution pénitentiaire qu’elle garantisse notre sécurité individuelle et collective. Les méchants étant enfermés, les gentils peuvent dormir tranquilles. Ce scénario digne d’un Walt Disney mérite d’être questionné ».

Après des années d’enfermement, retrouver une vie « normale » est loin d’être facile. Beaucoup d’anciens détenus, quelle que soit la durée de leur incarcération, ressentent une forme de stigmatisation qui persiste, comme s’ils portaient à jamais l’étiquette de

« délinquant ». Durant leur détention, ils perdent leurs repères ainsi que les codes de la vie en société. La prison, imprégnée de violence, laisse souvent des séquelles durables. À leur sortie, espérer une réinsertion sans faux pas relève parfois de l’utopie.

« Si la prison est un environnement violent, y passer vingt ans rend très difficile de ne pas en ressortir plus violent qu’à son arrivée », indique Sylvain Lhuissier. Pour lui, le défi est de taille : comment éviter que la prison ne soit un lieu de brutalité ? Rassembler des individus condamnés pour des faits violents dans un même espace exige un certain accompagnement, sans quoi cette violence ne fait que s’aggraver.

L’un des enjeux des établissements pénitentiaires ne devrait-il pas être de limiter le retour en prison des anciens détenus ? Pourtant, selon Sylvain Lhuissier, la surpopulation carcérale, avec une densité carcérale globale de 129,3% au 1er janvier 2025 et les conditions de détention déplorables alimentent une spirale de violence. Beaucoup de détenus ne perçoivent pas le sens de leur peine et la voient uniquement comme une sanction. Plutôt que de favoriser la réinsertion, la prison semble ainsi entretenir la récidive.

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Dans Décarcérer, l’auteur met en avant la nécessité de promouvoir la désistance, un concept encore méconnu. Mais en quoi consiste la désistance ? Il s’agit du processus par lequel une personne sort de la délinquance et cesse de récidiver. Élaborée dans les années 1990 par le criminologue John Laub et le sociologue Robert J. Sampson, cette notion repose sur deux facteurs : le capital humain, qui regroupe les compétences, la confiance en soi ainsi que les valeurs de l’individu et le capital social, c’est-à-dire son entourage et le soutien qu’il peut trouver à l’extérieur.

Chaque parcours de désistance est unique et dépend du contexte social dans lequel évolue la personne. Ce processus se déroule en trois étapes : la prise de conscience, la prise d’initiative ainsi que la pérennisation. 

La justice restaurative favoriserait la désistance. Encore peu connue, elle a pourtant été intégrée au droit français en 2014 sous l’impulsion de Christiane Taubira. Ce dispositif offre des espaces de dialogue entre victimes et auteurs d’une même infraction. Lors de ces échanges, chacun peut exprimer son vécu, ses traumatismes et interroger l’autre sur les conséquences de l’acte commis. Complémentaire de la justice pénale, la justice restaurative vise avant tout à réparer les victimes et à responsabiliser les condamnés en leur faisant mesurer la portée de leurs actes. Elle favorise ainsi la reconstruction des uns et la réintégration des autres.

Cette vision de la désistance ne transparaît pas dans les discours du ministère de la Justice. Enfermer plus, plus longtemps, en regroupant les détenus selon la nature de leurs infractions, sans leur offrir la possibilité d’avoir accès à des activités ludiques et culturelles et vouloir avant tout punir.

Dans ces conditions, comment espérer que ceux qui sortent de prison en ressortent meilleurs ? Et avec ce modèle, les victimes pourront-elles véritablement se reconstruire ?

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